Un voyage de la tragédie au triomphe
Au cœur du désert du Sahara, aux coordonnées 16°51′53.748″N 11°57′13.362″E, se trouve un monument extraordinaire—un mémorial de mémoire et de détermination. Le Mémorial du vol UTA 772, visible depuis l'espace, est un témoignage de la résilience et du dévouement d'un homme : Guillaume Denoix de Saint Marc.
Le catalyseur du changement
Le 19 septembre 1989, le vol UTA 772 était en route de Brazzaville, au Congo, vers Paris lorsqu'il a été détruit par une bombe, tuant les 156 passagers et les 14 membres d'équipage. Parmi les victimes se trouvait Jean-Henri Denoix de Saint Marc, le père de Guillaume. Cette tragédie a conduit Guillaume dans un parcours de 18 ans pour obtenir justice, transformant son chagrin personnel en un plaidoyer puissant
Guillaume avait 26 ans et travaillait pour une entreprise de vente et de marketing à Paris lorsqu'il a reçu la nouvelle dévastatrice de la mort de son père. L'immédiat après-coup a été marqué par la confusion et le silence, les familles devant se fier à de rares bulletins d'information. La confirmation de l'attentat, découverte grâce à des traces de résidus explosifs, a poussé Guillaume dans une quête incessante de responsabilité.
Une confrontation à Paris
En 2002, un tournant est survenu lorsque Guillaume a appris la visite de Saif al-Islam Kadhafi à Paris. Saif, le fils du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, assistait à une conférence pour inaugurer une exposition de ses peintures. Animé par la frustration et la colère, Guillaume a assisté à l'événement et a confronté Saif avec les mots : "Mon père était dans le DC10." Ce geste audacieux a initié un dialogue qui mènerait à une négociation historique.
A travers une série de réunions, y compris de nombreux déplacements en Libye, Guillaume s'est engagé dans des discussions avec Saif al-Islam Kadhafi, dans le but d'obtenir la reconnaissance de la responsabilité de la Libye et une compensation équitable pour les familles des victimes. Bien qu'il n'ait aucune expérience préalable en négociation, le parcours de Guillaume en tant que vendeur et sa compréhension des cultures diverses se sont avérés inestimables. Il a insisté sur une compensation égale pour toutes les victimes, indépendamment de leur nationalité—un principe qui a été initialement rejeté par les négociateurs libyens. Durant ces négociations, il a regroupé les victimes dans l’association « Les Familles de l’Attentat du DC10 d’UTA » créée pour l’occasion..
Le règlement historique
Après d'intenses négociations, la Libye a accepté en janvier 2004 de verser 170 millions de dollars—un million de dollars pour chacune des 170 victimes. Le premier paiement a été transféré le lendemain, marquant une victoire significative pour les familles des victimes. Ce processus n'a pas été sans défis, car Guillaume a dû retrouver et vérifier l'identité d'environ 1 800 proches à travers le monde, s'assurant que les fonds parviennent aux ayants droit légitimes.
Pour faciliter cela, Guillaume a aidé à créer une fondation, la « Fondation de l'attentat du DC10 d'UTA », hébergée à la Caisse des Dépôts et Consignations, pour gérer la distribution des fonds et continuer à soutenir les victimes du terrorisme. Bien que sept familles américaines aient choisi de poursuivre leurs propres actions en justice, seules deux autres ont refusé leur part, démontrant le succès de l'approche équitable de Guillaume.
Le mémorial dans le désert
Au-delà des indemnisations, Guillaume a imaginé un hommage durable—un mémorial sur le site du crash dans le désert du Ténéré. En mars 2007, il a dirigé une équipe vers ce terrain inhospitalier, surmontant des températures extrêmes et des risques sécuritaires. Le mémorial présente une silhouette grandeur nature du DC-10, entourée d'un cercle de pierres et de 170 miroirs brisés, chacun symbolisant une vie perdue. C'est un chef-d'œuvre d'unité, construit par une équipe constituée de membres des tribus locales, des Toubou, des Touareg et des Haoussa, dans un esprit de coopération.
Le design du mémorial a été inspiré par l'Aéropostale pionnière, utilisant de grands cercles de pierre pour la navigation à travers le Sahara. Il sert à la fois de repère visuel depuis le ciel et de symbole de mémoire durable, garantissant que les victimes ne soient pas oubliées.
Un héritage de plaidoyer
Le parcours de Guillaume ne s'est pas arrêté avec le mémorial. Il a fondé une fondation pour les victimes du terrorisme, canalisant les fonds restants du règlement dans le soutien et le plaidoyer. En tant que directeur exécutif, il continue de lutter pour la justice et le soutien aux personnes touchées par le terrorisme, s'appuyant sur son expérience personnelle pour guider les autres.
Son dévouement acharné n'a pas été sans coût personnel. La quête de justice a mis à rude épreuve son entreprise et son mariage, mais Guillaume reste inébranlable dans sa mission. "Nous voulons montrer qu'il n'y a pas un esprit de vengeance, juste de justice et de paix", affirme-t-il, soulignant qu'aucune cause ne peut justifier le terrorisme.
Un message pour le monde
Le mémorial du vol UTA 772 se dressait comme un phare d'espoir et de résilience.
Sa visibilité sur Google Earth a attiré l'attention internationale, garantissant que l'héritage des victimes perdure. L'histoire de Guillaume est une histoire de transformation—transformant le chagrin en action, la tragédie en hommage, et la perte personnelle en un message universel de paix et de justice.
Grâce à ses efforts, Guillaume Denoix de Saint Marc a non seulement honoré la mémoire de son père, mais a également laissé une empreinte indélébile sur le monde, plaidant pour un avenir où la justice prévaut et où les victimes ne sont jamais oubliées.
Malheureusement, en novembre 2023, le mémorial a été intentionnellement et profondément abîmé. En s’attaquant à ce symbole, les profanateurs s’en sont pris une seconde fois aux 170 victimes de cet attentat et à leurs familles.
Dans un monde souvent assombri par la division, l'héritage de Guillaume est un rappel du pouvoir de la résilience, de la compassion et de l'unité.